Tu as une histoire en tête, peut-être même un premier jet, ou tu as au moins l’envie d’écrire un film, un spectacle, peut-être un roman, au service d’une société plus juste et résiliente.
Le piège lorsqu’on écrit un récit engagé, c’est de manquer de nuance. On s’investit beaucoup émotionnellement, et il n’est pas toujours évident de prendre du recul.
Dans cet article, je te partage 5 pistes de réflexion que tu pourras appliquer quelque soit ton projet (cinéma, théâtre, roman, jeu vidéo…). Ma spécialité va au spectacle vivant et au cinéma, mais les clés qui suivent sont universels.
Réfléchir à ces différents points devrait déjà te donner pas mal de grain à moudre.
1. 🗝️ Introspection.
Et ouais, c’est carrément la base mais qu’on oublie souvent.
📗 Ramener de la conscience sur tes attentes pour gagner en lucidité sur tes intentions. Pour ça, on va affiner cette réponse.
Pourquoi ?
Commençons par étudier ton pourquoi : pourquoi tu veux écrire un nouveau récit ? 🧐
Pour avoir un impact positif sur le monde ? Pour changer la société ? Pour éveiller les consciences ?
Si tu me donnes l’une de ces réponses, je te répondrai d’aller creuser beaucoup plus loin. Reviens à toi, à ce que tu ressens. Est-ce que ta motivation part de la peur ? Ou bien parviens-tu à trouver sa source d’un espace d’espoir et de joie ?
Imaginons que ton film ou ta pièce ne se monte jamais, ou que ton roman ne soit jamais publié. C’est pas ce que je te souhaite, mais imaginons. Qu’est-ce qui te motive à l’écrire quand même ? Qu’est-ce que cette histoire t’apporte personnellement ?
C’est la réponse à cette question qui te permettra de garder la motivation dans les coups de mou. Car écrire est un travail long. Écrire c’est réécrire plusieurs versions.
Et puis vouloir “changer le monde”, c’est se mettre beaucoup de pression sur les épaules, et risquer l’épuisement. 🧟
Pour qui ?
Question suivante : à qui s’adresse ton film ?
Attention “tout le monde” n’est pas une réponse. “Tout le monde”, c’est personne. J’ai mis des années à le comprendre.
Tu ne traiteras pas ta narration de la même façon selon que tu t’adresses à des jeunes/moins jeunes, engagés/désengagés, riches/pauvres… Ça ne veut pas dire que ton film ne pourra pas toucher toutes ces personnes, ça veut dire que tu seras plus à même de toucher une cible particulière et donner de la clarté et une réelle identité à ton projet.
Répondre à la question pourquoi tu écris t’aidera aussi à comprendre pour qui ! 👩👩👧👧
Je t’invite aussi à te demander : est-ce que tu cherches à convaincre quelqu’un ? Qui ? Et qu’est-ce qu’il se passe si tu n’y arrives pas ?
Si tu cherches à convaincre ou à prouver, il y a peu de chances que ton récit trouve sa dimension universelle et vienne toucher au cœur, car personne n’a envie d’être le “con-vaincu”. Ça veut pas dire que ton histoire est à jeter ni que ton propos est illégitime, ça veut juste dire que ton angle d’approche n’est peut-être pas le bon.
Quand j’accompagne des auteur-ices dans leur chemin d’écriture, on fait systématiquement un gros travail d’introspection. Ça veut dire, revenir à toi : quel est ton élan, ton point de départ personnel ?
L’idée est de trouver ce qu’il y a de suffisamment intime dans ton récit pour qu’il devienne universel.
Donc creuse ton pourquoi et tu verras que la réponse à toutes ces questions va très certainement s’affiner voire même changer au long de ton projet. Je t’invite donc à te les reposer régulièrement.
2. 🗝️ Se documenter et sortir des projections
On va pas se mentir. Si tu lis ces lignes, y a de grandes chances pour que comme moi, tu sois un peu utopiste dans l’âme. Et dans ma bouche c’est un compliment. L’utopie, c’est le rêve de ce qui n’a pas encore eu lieu. Soyons utopistes, mais soyons lucides.
Il est facile et commun de tomber dans des biais de confirmation et des projections idéalistes de ce que l’on aimerait voir advenir. Il ne s’agit pas de rêver pour fuir. Il s’agit de rêver pour s’ancrer. ⚓
Tu as déjà compris qu’il était judicieux de se concentrer sur un thème plutôt que de vouloir tout traiter.
cf: Article : “Comment écrire un nouveau récit au service du vivant ?”
Il sera utile de te documenter au maximum sur le sujet que tu souhaites explorer : que ce soit dans l’historique mais aussi dans les systèmes actuels et dans les alternatives déjà existantes ou déjà essayées. Ainsi tu pourras étoffer à la fois tes connaissances et tes points de vue.
Quelques questions que tu peux te poser : Où sont les limites, les angles morts de mon idée. Quels sont ses avantages, ses inconvénients. Où sont les réussites mais aussi les échecs ? ♟️ A quelle idée, vibe, énergie, as-tu envie de laisser de la place ?
3. 🗝️ Raconter une transformation
Ok, maintenant que tu sais pourquoi tu écris, pour qui, et que tu as ton sujet (plus il sera précis, mieux tu pourras le traiter), on va explorer le fil rouge de ton histoire. 🧵
Si on veut créer un nouveau récit, une utopie réaliste, ça va induire un changement de société. On veut voir se changement de société advenir et on veut voir son impact dans la vie quotidienne des personnages.
Avant de penser à ton intrigue et à tes rebondissements, commence par définir ta vision globale : 👀 ****quelle est la situation sociétale au début de l’histoire, quelle est la situation finale ? A partir de là, tu pourras imaginer les différents évènements qui peuvent mener de l’un à l’autre. Imagine sans te censurer, il sera toujours temps plus tard de faire le tri entre ce qui est crédible ou ce qui ne l’est pas.
Selon l’histoire que tu as choisi de raconter, cette bascule sociétale pourra soit t’aider à construire ton intrigue ou simplement servir de décor vivant à l’action.
Pour expérimenter au mieux ce dont je parle, je t’invite vivement à participer à une Fresque des Nouveaux Récits. Un atelier durant lequel tu pourras comprendre les grandes lignes du fonctionnement du cerveau humain et les différents leviers de motivations qui permettent de mettre en route un changement de société.
📙 N’oublie pas : toute action est générée par des décisions ou des réactions d’êtres humains qui agissent selon leurs croyances, leur vécu et leurs moyens. Ce qui me mène au point suivant…
4. 🗝️ Créer des personnages authentiques
Ma sensibilité me dit que c’est le point le plus important. Prends grand soin de tes personnages. Apprends à les connaître, sors des clichés, prends le temps de les affiner les comme de bons vieux fromages artisanaux AOP !
Ce sont les humains qui prennent des décisions, créent des situations, réagissent consciemment ou non les uns avec les autres et impactent le monde. Tes personnages vont servir de miroir au spectateur 🪞 il est donc primordial de les rendre complexes, en sortant des visions binaires et clivantes.
Les personnages nous parlent de notre façon de nous relationner au monde. Là aussi, un travail d’introspection peut s’avérer très intéressant. Je t’invite à explorer la question : qu’est-ce que chacun de mes personnages raconte de moi ?
Prends le temps de connaître tes personnages dans chacune de leurs motivations et de leurs aspirations. Demande-toi toujours pourquoi iel agit, qu’est-ce qui se passe si iel n’agit pas ?
5. 🗝️ Faire preuve bienveillance (envers soi et envers l’autre)
J’ai hésité à appeler ce point « commence une thérapie ». 😄
Bon, je te parle déjà d’introspection depuis le début de cet article… Ce que je veux dire, c’est que je suis persuadée que plus l’auteur-ice est conscient-e de ses propres constructions et projections, plus iel est capable d’apporter de la profondeur à son histoire et d’en faire un récit puissant et sensible.
Nos intentions peuvent être les meilleures du monde, nous sommes forcément conditionnées par les différents milieux dans lesquels nous avons grandi et évolué. Rappelons-nous que nous sommes tous nés dans une société de consommation destructrice du vivant, et que nous en sommes tous plus ou moins imbibés. 🌆
Il serait mal venu de se positionner en donneur-euse de leçons.
Changer ses imaginaires est un travail long, qui soulève des questionnements profonds et inconfortables à bien des égards, car il demande de traverser des deuils.
Il me semble indispensable de rester humble et bienveillant envers nous-même comme envers les autres (oui, même envers les cons !). Se positionner en explorateurices plutôt qu’en détenteurices de vérité .
Observer sans jamais oublier de s’inclure dans ce qu’on observe et toujours se rappeler que comme tous les êtres humains, nous sommes sur un chemin, nous avons des biais, des constructions mentales et culturelles, nous avons des vécus différents qui nous ont mené à croire ce que nous croyons et penser ce que nous pensons, et qu**’il existe toujours des ponts et des passerelles pour passer de l’un à l’autre**. Le tout est de les mettre en lumière. 🌙
Faire des exercices d’introspection, apprendre à se connaître, à se reconnaître, être curieuse de soi permet d’être curieux de l’autre. Tu n’en sortiras que plus riche et seras capable d’apporter bien plus de nuance et de profondeur à ton récit que tu ne pourrais l’imaginer.
Vouloir planter des graines c’est bien, encore faut-il savoir dans quel terreau on les plante…
✨ J’espère que tu auras trouvé quelques pistes pour t’inspirer et contribuer à remplir nos imaginaires de nouvelles histoires respectueuses du vivant.
Si tu veux aller plus loin dans l’introspection et dans l’exploration de tes imaginaires
Pour aller plus loin :